Pour une relance durable de l’économie de proximité et de l’artisanat

Il sera moins coûteux économiquement et socialement pour la France de sauver des entreprises viables et performantes que de financer plus tard la création de nouvelles entreprises.

 

Un nouveau modèle de société durable en France et en Europe impose de prendre en compte les besoins et le potentiel de développement des entreprises artisanales ancrées sur leur territoire.

 

Le réseau des cma formule 12 propositions pour créer les conditions favorables à cette relance durable autour de 3 principes :

  • Investissons sur la production locale et durable et le Made in France
  • Garantissons le financement des entreprises artisanales
  • Menons une stratégie d’alliance forte et concertée : Europe – Etat – Collectivités territoriales
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Investir sur la production locale et durable et le fabriqué en france

1. Tirer les enseignements de la crise en investissant sur le made in France, la production locale et le tourisme

La crise a mis en exergue la trop grande dépendance de la production industrielle française vis-à-vis d’Etats tiers, notamment dans des secteurs stratégiques. La relocalisation de ces activités peut avoir un effet d’entrainement sur le secteur artisanal, en particulier pour l’artisanat producteur industriel. Le poids de l’artisanat producteur industriel et des entreprises artisanales de sous-traitance industrielle est très important et souvent méconnu. On comptabilise près de 30 000 entreprises, réalisant globalement 14,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Elles emploient près de 100 000 salariés.

 

Par ailleurs une meilleure valorisation des signes de qualités officiellement reconnus (indications géographiques, appellations d’origines) constitue, pour les entreprises, des opportunités de gain de parts de marché. Ces sigles contribuent à rassurer le consommateur.

 

Les savoir-faire artisanaux font partie intégrante du patrimoine des territoires et à ce titre constituent un élément d’attractivité à valoriser dans les actions de développement touristique. L’artisanat apporte des services et des produits de proximité aux touristes et aux autres acteurs de la filière (hôtellerie, restauration, etc.) et recouvre des activités porteuses d’identité auprès de la clientèle.

 

Propositions :

  • soutenir au niveau régional la relocalisation des productions industrielles à haute valeur ajoutée ou stratégiques, en s’appuyant sur le secteur de l’artisanat producteur industriel ;
  • développer les mentions d’origine sur les produits manufacturés, en étendant au niveau européen la reconnaissance par indications géographiques sur les produits artisanaux et industriels non agricoles ;
  • valoriser les savoir-faire et produits artisanaux dans les marques de territoire en lien avec les collectivités locales ;
  • développer avec les collectivités locales des circuits tourisme et artisanat permettant la découverte des savoir-faire, la rencontre des artisans dans leurs ateliers et la visite d’entreprise, dans le cadre d’une offre touristique complémentaire aux sites patrimoniaux et naturels, en lien également avec la filière des métiers d’art.

2. Faire des artisans des acteurs et des ambassadeurs d’une relance économique verte et durable

L’économie circulaire et plus largement le développement durable sont dans l’ADN des artisans. Il faut s’appuyer sur les entreprises artisanales pour structurer l’économie de demain.

 

Néanmoins, les entreprises les plus engagées dans la transition écologique et énergétique doivent être davantage soutenues et reconnues pour leur engagement et leur résilience plus forte, et pour cela il faut :

  • établir un cadre juridique et fiscal particulier en s’appuyant notamment sur la raison d’être des entreprises et le statut d’entreprise à mission
  • mettre en place des avantages en termes de prime d’assurance ou de taux de prêt bancaire.
     

 

Pour accélérer la transition écologique et donner une nouvelle ambition, il est nécessaire de s’appuyer et de soutenir des actions qui ont déjà fait leur preuve comme :

  • les actions d’animations territoriales telles que les Eco-défis des artisans et des commerçants, ou encore Répar’Acteurs ;
  • les démarches de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et la labellisation des pratiques RSE ;
  • l’accompagnement des entreprises dans l’optimisation de leurs divers flux (énergie, matière première, déchets et eau). Les opérations de type « TPE & PME gagnantes sur tous les coûts » menées avec l’ADEME doivent être massifiées avec un accompagnement financier renforcé.
     

 

Les artisans sont aussi des vecteurs de bonnes pratiques auprès de leurs clients et plus largement du grand public. C’est notamment le cas au niveau de la mobilité. Ainsi, l’Etat et les collectivités doivent favoriser la transition vers une mobilité plus durable des artisans ainsi qu’un verdissement du parc de véhicules de la “première Entreprise de France” avec :

  • un bonus écologique renforcé et étendu au rétrofit (conversion électrique des véhicules) ;
  • le rétablissement du bonus écologique pour les personnes morales ;
  • un élargissement de la prime à la conversion à des véhicules plus récents et aux camionnettes dont le poids total autorisé en charge dépasse les 3,5 tonnes ;
  • des prêts facilités pour l’achat de véhicules électriques et hybrides rechargeables ;
  • des aides financières pour l’achat ou la location de vélos cargos.
     

 

Par ailleurs, une relance économique verte et durable doit s’appuyer en priorité sur les domaines générateurs d’emplois non délocalisables. Le secteur du bâtiment et de la rénovation énergétique doit pouvoir bénéficier d’un plan ambitieux soutenu par l’État et les collectivités avec :

  • le levier de la commande publique pour la rénovation énergétique des bâtiments publics ;
  • un soutien pour la rénovation des bâtiments tertiaires et les établissements recevant du public ;
  • un meilleur accompagnement des ménages dans l’accès aux aides à la rénovation énergétique et la mise en relation avec les artisans locaux en lien avec les CMA ;
  • des mesures progressives mais contraignantes au niveau des performances énergétiques des logements lors de la mise en vente ou à la location des biens.

3. Améliorer l’accès des entreprises artisanales aux aides à la recherche et à l’innovation

Les petites et moyennes entreprises représentent plus des trois quarts des entreprises réalisant des activités internes de R&D. L’intensité de recherche y est plus importante qu’au sein des ETI et des grands groupes. Pourtant, celles-ci profitent encore trop peu d’aides à l’innovation et d’aides fiscales, ce qui limite le potentiel d’investissements et de créations d’emploi de ces entreprises en France.

 

A titre d’exemple, le crédit d’impôt innovation (CII), pourtant réservé aux PME, n’a été mobilisé que par 7 160 entreprises en 2017.

 

Il est proposé d’améliorer l’accès au financement de l’innovation pour les TPE-PME. Pour cela, il faut :

  • promouvoir massivement les dispositifs d’aides auprès des entreprises, avec un appui en financement de l’innovation à moindre coût et un accompagnement par les réseaux consulaires ;
  • élargir la définition de l’innovation, à ce jour trop technologique, et accompagner les entreprises « à potentiel » ;
  • simplifier les dossiers de demande d’aide et des procédures afin de permettre aux plus petites entreprises de mobiliser ces dispositifs sans avoir recours à un cabinet de conseil considéré comme trop coûteux ;
  • prévoir des taux d’intervention plus élevés pour les TPE, qui sollicitent naturellement des montants plus faibles.
     

4. S’appuyer sur les marchés publics et une politique d’achat pour aider la relance de l’économie française

Favoriser l’accès des entreprises artisanales aux marchés publics constitue un levier de relance de l’économie des territoires. Il encouragera la structuration de filières locales et la mise en œuvre de circuits de proximité. Il convient de promouvoir une véritable politique d’achat :

  • accompagner les collectivités dans l’allotissement de leurs marchés publics et l’introduction de clauses favorisant les entreprises locales (clauses sociales et environnementales);
  • respecter scrupuleusement, voire raccourcir, les délais de paiement des entreprises intervenant pour le secteur public ;
  • rehausser le seuil en dessous duquel les acheteurs publics sont dispensés de publicité et autres formalités administratives de 40 000 à 60 000 euros HT ;
  • inclure la mention « artisanale » dans les quotas de 50% d’approvisionnement de la restauration collective en produits bio ou sous signes de qualité imposés par la loi Egalim ;
  • faciliter l’accès des artisans du bâtiment aux marchés de rénovation énergétique des bâtiments publics.
     

 

Il est de plus demandé dans le cadre de la législation européenne sur les marchés publics de mettre en place un dispositif réservant une partie des achats publics aux petites entreprises :

  • pour cela il convient de fixer une règle combinant Small Business Act et Buy European Act, à l’instar de la législation américaine.
5. Effacer les charges sociales et fiscales contractées par les TPE/PME artisanales pendant la crise pour celles qui ne seront pas en mesure de rembourser

Des reports d’échéances sociales et fiscales ont permis dans l’urgence de ne pas asphyxier les entreprises. L’annulation des charges sociales a été prononcée pour les TPE soumises à une fermeture administrative pendant le confinement.

 

Il est cependant nécessaire d’assainir durablement les finances des entreprises, qui doivent reconstituer leurs stocks, produire, rémunérer le personnel. Pour y parvenir, il est proposé :

  • d’appliquer le principe « pas d’activité, pas de charges » pour les entreprises artisanales ;
  • d’annuler les charges sociales et fiscales contractées pendant la crise pour les entreprises n’étant pas en situation de rembourser, afin d’éviter des défaillances, dont le coût économique et social serait in fine plus important ;
  • de prendre en considération les spécificités territoriales et sectorielles pour adapter cette mesure. Certains territoires d’outre-mer n’entrevoient pas de sortie de crise avant un an en raison d’une saison touristique qui ne pourra pas redémarrer.

6. Créer un dispositif de rééchelonnement et d’amortissement des dettes

En mai, 10 % des entreprises seulement avaient demandé et obtenu le prêt garanti à 90 % par l’Etat. De nombreux chefs d’entreprise ont puisé dans leurs réserves financières, alors qu’il leur faut disposer d’un fonds de roulement suffisant pour faire redémarrer leur activité.

 

De plus, les entreprises vont devoir rembourser les échéances de prêts contractés avant la crise, mais également les dettes et le PGE obtenus pendant la crise, alors que leur capacité de remboursement sera souvent amoindrie. Il est proposé de lisser l’impact de la crise et de :

  • porter la durée maximale d’amortissement de 5 à 10 ans pour les prêts garantis par l’Etat, en maintenant des taux réduits et sans frais ;
  • permettre un second prêt de trésorerie garanti par l’Etat et amortissable dans les mêmes conditions, en conditionnant la capacité d’emprunt à un ou plusieurs indicateurs à déterminer avec la Fédération bancaire française.

7. Promouvoir des dispositifs d’avance remboursable à taux zéro

Instruits par les Régions et les autres collectivités avec le soutien des chambres consulaires, ces dispositifs permettent de renforcer les fonds propres de l’entreprise et de faire levier sur d’autres sources de financements. Ces dispositifs doivent être massivement développés.

 

Il est proposé :

  • d’étendre et d’harmoniser le dispositif d’avances remboursables sur tout le territoire afin de faciliter les investissements visant à développer l’activité et à favoriser les mises aux normes ;
  • d’exonérer d’impôt sur le revenu la part de remboursement de l’avance lorsqu’elle est accordée à une personne physique. Dans le cas contraire, le dispositif peut s’avérer confiscatoire lors du remboursement.

8. Défiscaliser les heures supplémentaires nécessaires au redémarrage de l’activité et favoriser l’embauche du 1er salarié ou d’un salarié supplémentaire

En sortie de crise, les entreprises artisanales devront densifier leur capacité de production, mais elles demeureront un temps dans l’incertitude, ne trouveront pas forcément immédiatement les personnels formés et n’auront pas toujours les ressources pour embaucher.

 

Les heures supplémentaires effectuées en 2020 sont en partie exonérées de cotisations salariales (d’assurance vieillesse de base et complémentaire).

 

Pour encourager l’effort de production, pallier le manque de personnel qualifié dans certains secteurs de l’artisanat et récompenser la valeur travail, il est proposé de :

  • prolonger ces exonérations d’impôts et de cotisations pour inciter les TPE à y recourir ;
  • maintenir la limite de 7 500 euros pour les rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires sur toute l’année 2020.
     

 

Dans les prochains mois, le nombre de personnes en situation de chômage risque d’être en forte augmentation. Dans ce contexte, pour les entreprises ne disposant pas de salarié, comme pour les secteurs en tension des mesures incitatives à l’embauche sont nécessaires. Il s’agit :

  • de rendre plus flexibles et plus attractives les modalités d’embauche;
  • d’exonérer de charges sociales patronales pendant deux ans l’embauche d’un 1er salarié ou d’un salarié supplémentaire
Mener une stratégie d'alliance forte et concerté Europe - Etat

9. S’appuyer sur les financements européens

Les leviers financiers de l’Union européenne sont essentiels à la création d’un environnement favorable à la reprise. Il est demandé de :

  • renforcer l’objectif stratégique 5 du cadre réglementaire européen « une Europe plus proche des citoyens » pour mobiliser la politique de cohésion vers l’économie réelle dans les territoires ;
  • flécher les instruments d’InvestEU vers les TPE, tout type d’activité confondu, avec soit un quota d’entreprises bénéficiaires de moins de 10 salariés, soit un quota de garanties d’un montant inférieur à 50 000 euros ;
  • simplifier l’accès aux fonds européens avec :
  1. des dossiers et procédures simplifiés ;
  2. la suppression des attestations de minimis pour les entreprises artisanales de moins de dix salariés ;
  3. des avances de fonds et l’accélération des versements ;
  4. la suppression du plafonnement à 50 % de financements publics sur les actions collectives à destination des entreprises artisanales [Cette règle peu logique, qui nécessite une part trop importante de financement privé, empêche par exemple aujourd’hui de monter des projets collectifs pour accompagner des artisans sur la transition digitale ou écologique].

 

Coupler produits financiers destinés aux entreprises artisanales et accompagnement notamment pour celles en difficultés ;
Mettre en place un système d’aides directes aux entreprises géré par les chambres de métiers et de l’artisanat sur l’axe territorial du FEDER.

10. Utiliser le levier de la TVA et mettre en place un mécanisme de compensation carbone

La crise actuelle démontre la valeur de notre système de santé et de nos dispositifs de solidarité. Néanmoins, la protection sociale repose sur les salaires, ce qui pénalise la production et l’emploi en France. Il convient par conséquent de mener une réflexion sur un nouveau système pour sauvegarder et développer le modèle français, en prenant en compte la mutation des formes de travail et l’allongement de la durée de vie. La fiscalité doit être un levier pour permettre une véritable transition écologique et durable au service des populations et de l’économie de proximité.

 

Il est proposé de :

  • mettre en place une taxe carbone aux frontières de l’Union Européenne au service des territoires ;
  • mettre en place une TVA responsable, c’est-à-dire une TVA réduite sur les produits qui respectent l’environnement, l’humain et le savoir-faire local ;
  • commencer avec un taux de TVA réduit pour les activités de réparation en France, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays européens. Cette disposition permettrait de prolonger la durée de vie des produits, en limitant les déchets, les consommations de matière, les importations de produits de mauvaise qualité.
  • La filière réparation en France comprend environ 80 000 artisans et constitue l’un des sept piliers de l’économie circulaire. En rendant la réparation plus compétitive que l’achat de produits importés à bas coût, cela permet d’être en cohérence avec l’objectif de neutralité carbone fixé par la France en 2050.

 

Les initiatives pour produire dans le respect des engagements au sens large du développement durable doivent s’accompagner de la création de labels, marques collectives et tout ce qui peut renforcer la visibilité des acteurs de la croissance verte pour les consommateurs éco-responsables.

11. Rééquilibrer les conditions d’exercer en faveur de l’économie de proximité et l’artisanat

Des mesures sont nécessaires pour permettre un rééquilibrage entre les entreprises artisanales, la moyenne et grande distribution et les plateformes de vente en ligne. Il est proposé de :

  • créer un fonds de soutien à l’artisanat consacré aux investissements liés à la modernisation des outils de production et de commercialisation (digitalisation), à la rénovation et la mise aux normes et à l’accessibilité des locaux, au financement des dispositifs de protection liés à la crise sanitaire des entreprises de proximité ;
  • assujettir les entrepôts de vente en ligne à la TASCOM ;
  • appliquer un moratoire sur la création de grandes surfaces en périphérie des villes bénéficiant de fonds publics dans le cadre d’opérations de revitalisation territoriale durant la période de sortie de crise ;
  • obliger de passer en CDAC toutes les créations de surfaces commerciales au-delà de 400m², y compris dans le cadre d’opérations de revitalisation territoriale, ainsi que les entrepôts destinés au commerce en ligne.

12. Mobiliser les capacités d’action des collectivités dans le soutien aux entreprises

La relance de l’économie doit être effective dans tous les territoires et s’adapter aux spécificités territoriales (urbain, rural, montagne, etc.).

 

Pour cela, la compétence artisanat, transférée par l’État aux régions, doit être mise en œuvre dans le cadre d’une articulation efficace entre le Conseil régional, le Conseil départemental et le bloc communal.

 

L’artisanat constitue un secteur structurant de l’économie touristique locale, l’ensemble des collectivités disposant de la compétence tourisme doivent pouvoir intervenir en articulation avec la compétence artisanat pour soutenir et valoriser les activités artisanales locales et contribuer à la structuration des filières de proximité.

 

Les collectivités territoriales disposent de leviers, dans la limite de leurs moyens, permettant de soutenir la trésorerie des entreprises. Il s’agit  :

  • du report, de l’étalement, ou d’exonération totales ou partielles des loyers dont elles sont propriétaires ;
  • d’exonération de taxes locales pour les artisans (publicité extérieure, terrasses).
     

 

Dans les opérations d’aménagement, Cœur de Ville et Petites Villes de Demain, il convient d’inciter l’Etat et les collectivités à :

  • appuyer l’implantation d’artisans en proximité de leur clientèle par la réalisation et la réhabilitation d’immobilier adapté et abordable, notamment à travers des instruments financiers de la Banque des Territoires ;
  • prendre en compte la dimension économique en amont de chaque projet d’aménagement ;
  • conserver les services au public créateurs de flux dans les centres-villes et ne pas les délocaliser en périphérie, comme les services de santé notamment
     

 

L’artisanat alimentaire doit retrouver sa place centrale dans les programmes alimentaires territoriaux avec un cadre réglementaire et des instruments incitatifs de création et structuration de circuits de proximité.